La survivance tranquille d'un peuple apolitique
La logique historique voudrait que le Québec soit "louisianisé" aujourd'hui
Pour info, ce sera la dernière publication de 2021 question de prendre une pause d’écriture pendant la période des fêtes. De retour en 2022. Prenez soin de vous et de vos familles. On se retrouve l’année prochaine.
Some housekeeping before we move on. This will be the last publication of 2021 as I will take a break from writing for the holidays. Back in 2022 for more. Till next year, take care of yourselves and your families.
Ce court texte sera légèrement différent des précédents à savoir qu’il apportera possiblement davantage de questionnements sur le sujet abordé que d’éclairage sur celui-ci. C’est du moins ce qui m’a traversé sans cesse l’esprit pendant l’écriture de la présente réflexion. Il sera beaucoup plus personnel également car vous conviendrez qu’il est quasi impossible de porter un regard complètement détaché de ses racines, de ses compatriotes, donc au final, de soi-même.
En espérant que vous puissiez y apporter aussi vos propres éléments de réponses et vos lumières à la suite de la lecture.
“On préfère subir l’histoire en s’y adaptant, plutôt que de la créer.”
Pierre Vadeboncoeur, écrivain québécois
J’ai longtemps réfléchi sur le sort de mon peuple. Quand je fais un effort conscient de l’observer de l’extérieur, comme un étranger le ferait, je reste bien souvent sur ma faim. Je suis trop souvent déçu de sa nature complaisante, de son manque d’ambition politique, de son absence de rigueur, de son côté bon enfant voire même bonasse. De son obsession du présent, de sa mémoire sélective malgré sa devise “Je me souviens” et de sa facilité à rejeter toute confrontation intellectuelle. Certains diront que ça fait partie de son charme, d’autres avanceront que ça le condamne à sa disparition. Peu importe. Ce qui me semble clair par contre, c’est que ça fait partie de son ADN et qu’il faut en prendre acte.
Et pourtant…
D’une poignée de Français dans la vallée du Saint-Laurent au début du 17e siècle jusqu’aux Québécois d’aujourd’hui plus de 400 ans plus tard, ce peuple, peu ou pas instruit pour la majeure partie de son histoire et peu enclin à la chose politique, demeure bien vivant malgré tout; du moins au sens linguistique et culturel. On se rappelle qu’un Alexis de Tocqueville en visite au Bas-Canada plus de 70 ans après la défaite de 1759, était même resté surpris d’entendre encore sa langue dans ce coin de pays. Alors imaginez sa surprise s’il pouvait y remettre les pieds au 21e siècle. Quand on parcours les régions du Québec, on ne ressent ni résignation ni amertume lié à son statut précaire. Les gens vivent en relative quiétude avec une assurance tranquille.
On peut débattre en long et en large de sa vitalité politique actuelle, de son avenir démographique au siècle prochain - et dieu sait que la liste d’observateurs lanceurs d’alerte à ce sujet est longue - n’empêche que le Québec d’aujourd’hui demeure malgré tout une entité nationale cohérente et perpétue encore plusieurs des mœurs d’origine du peuple naissant de l’époque de la Nouvelle-France.
Décrivant une partie de ces premiers colons Français qui ont fait le choix de faire la grande traversée vers le nouveau monde au 17e siècle, les portraits de Serge Bouchard sur ces oubliés de l’histoire de l’Amérique française nous plongent directement dans les motivations, les intentions ainsi que le jeu d’alliances, de métissage, d’immersions dans la culture amérindienne de la part de ces hommes venus refaire leur vie sur ce contient.
Sur les aventures et les voyages d’un certain Étienne Brûlé, un des premiers truchements (ou traducteurs au sein des premières nations), Bouchard écrit:
“ Il est d’ailleurs le premier Blanc à vivre en permanence auprès d’une communauté autochtone, à pêcher, chasser, courir les bois comme un véritable Amérindien. À sa suite viendront des générations d’”ensauvagés”, ainsi que les surnommeront plus tard, non sans mépris, les missionnaires.
On le verra au cours des siècles: il est plus invitant pour les Français de s’indianiser que pour les Indiens de se laisser civiliser, évangéliser, assimiler au mode de vie européen.”
Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, 2014
Voilà une citation qui synthétise en peu de mots les valeurs qui ont largement caractérisées le premier siècle de colonisation à la française où ces nouveaux arrivants ont exploré de vastes territoires en Amérique du Nord, ont forgé des alliances stratégiques avec Montagnais (Innus), Hurons, Algonquiens, ont positionnés des postes de traite en fonction de leurs besoins et ce, avec une très faible population comparativement aux colonies britanniques. Ce mode de vie en évolution, né de la cohabitation des premiers colons Français avec les Amérindiens, caractérise toujours jusqu’à un certain point notre vision du monde plusieurs siècles plus tard; de notre relation particulière avec la nature et le territoire jusqu’à notre gestion gouvernementale par consensus qui s’apparente, à mon sens du moins, plus aux traditions autochtones qu’aux systèmes politiques classiques à l’européenne.
Bref, on n’a jamais vraiment discuté de philosophie politique dans notre coin de pays contrairement aux pères fondateurs des États-Unis. Notre culture n’a pas généré de James Madison, John Adams ou Alexander Hamilton. On ne valorise pas autant les valeurs protestantes d’implication politique, de compréhension des institutions civiques, de valorisation de l’apprentissage et des connaissances, et j’en passe. Que voulez-vous, c’est pénible à admettre de nos jours mais ça demeure une des différences fondamentales entre les valeurs sous-jacentes à l’établissement de la Nouvelle-France et celles des premières colonies britanniques de la côte est américaine, notamment par les Puritains (Pilgrims) dans le nord-est.
Ce manque flagrant d’intérêt pour le chose politique semble être le fil conducteur du psyché de la nation; un état d’esprit qui aurait dû, en d’autres lieux, signé l’arrêt de mort ou du moins une décadence plus rapide de la nation. Après tout, de nombreux peuples ont été assimilés au sein d’ensembles politiques plus fort culturellement et politiquement. C’est le propre de l’évolution des sociétés humaines.
Un siècle et demi après la fondation de Québec et suite à la conquête de 1759 par les forces britanniques, les Canadiens Français ont adopté (ou poursuivi) un mode de vie qui a toutes les caractéristiques d’une "survivance silencieuse”. Une survivance qui s’est avérée fructueuse sur le long terme.
À ce sujet, Christian Dufour, politologue et fin observateur de la culture politique québécoise, écrit:
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