Ma lettre à l'élite politique québécoise
Pour en finir avec le paradigme de la survivance et repenser notre avenir politique
Chers compatriotes et leaders politiques,
Ma fierté envers ma patrie n’est pas inconditionnelle.
Et si vous êtes un tant soit peu attentifs au climat social du Québec, vous comprenez déjà ce que je veux dire et vous remarquez sans doute que mon sentiment n’est malheureusement pas unique en son genre.
Constater avec lucidité le lent déclin d’un peuple (un déclin relatif j’en conviens mais un déclin tout de même), surtout vécu de l’intérieur, nous déstabilise forcément dans nos convictions profondes. De tant à autre, on le ressent dans nos tripes. Mais on oublie vite (hélas), on retourne rapidement à notre quotidien et aux sempiternelles questions stériles qui animent notre débat public; sur une énième tentative de réforme du système de santé par exemple ou une négociation tendue avec le régime fédéral sur une question de transferts vers les provinces.
Du bruit, du simple bruit de fond et un écran de fumée qui masque des questionnements plus fondamentaux.
Comme si les fondations de la maison se détériorent mais on se demande qui va financer la prochaine couche de peinture dans la chambre du petit.
Et misère.
Certes, accepter ce constat demande de l’humilité, de l’introspection et une bonne dose de courage, mais il faudra bien un jour que vous preniez acte du mauvais chemin que nous empruntons depuis si longtemps.
De cette attitude de victimes qui teinte constamment le narratif de notre histoire commune, vous devez passer un cap et vous débarasser de ce fardeau.
De votre obstination à maintenir des monopoles publics dans la gestion de pans entiers de nos vies, vous serez éventuellement suffisamment matures pour évaluer d’autres avenues (enfin, je l’espère).
Quand je parle de déclin, je n’ai pas forcément en tête le déclin du français comme langue parlée à la maison ou du poids politique du Québec au sein du Canada (ici, deux conséquences de notre molesse plutôt que des causes de notre statut actuel) mais plutôt de la vitalité intrinsèque de la société québécoise dans son ensemble.
Je parle de sa véritable motivation à se renouveler, de sa volonté de remettre en question ses dogmes et ses choix historiques ainsi que de sa capacité à se projeter dans l’avenir. D’avoir encore le goût au développement (sans doute dans une forme plus durable mais pourrait-on au minimum envisager du développement) et être suffisamment dynamique pour que sa culture au sens large ait un minimum d’attraction pour intégrer les nouveaux venus dans le contexte nord-américain et les assimiler à nos repères historiques; de par son attrait propre et son influence sociale positive plutôt que par des mesures législatives imposées.
Et SVP, ne me donner pas l’exemple des innombrables Français qui choisissent de venir s’établir avec enthousiasme au Québec. Vous savez très bien qu’ils quittent simplement un enfer bureaucratique sclérosé pour venir en rejoindre un autre qui est simplement en retard sur le leur.
Notre régime étatiste, sans doute au stade de l’adolescence comparativement à la France, pourrait devenir au rythme où vont les choses aussi endetté, imperturbable et englué dans quelques décennies à peine. Les Français eux-mêmes vous dirons qu’ils ne souhaitent pas recréer leur modèle au Québec. C’est la liberté qu’offre l’Amérique qu’ils désirent, pas les mauvais plis du vieux continent.
Nous sommes adossés à une des nations les plus influentes culturellement dans l’histoire de l’humanité, pensez-vous vraiment pouvoir isoler le Québec avec de la réglementation tout en étant convaincu qu’il s’agit de la bonne stratégie ? Plus vous brimez les citoyens, plus ils chercheront à s’affranchir autrement.
Surtout lorsque “The land of the Free” est à nos portes.
Pour ce qui est du français, soyons clairs. Je le parle et je le partage. Je l’écrit, notamment sur cette plateforme. Je le transmet à mes enfants du mieux que je peux, comme mes parents me l’on transmis jadis. Malgré votre prétention d’agir de bonne foi, je n’ai pas besoin de contraintes gouvernementales additionnelles pour protéger davantage notre langue.
La transmission d’une langue maternelle, ça se transmet d’abord par la mère et le désir de vouloir continuer d’interpréter le monde qui nous entoure via cette langue.
Recommencez par favoriser la famille comme unité sociale fondamentale à toute citoyenneté et je vous écouterai peut-être pour la suite.
Cessez de donner des tribunes aux nihilistes et pseudo-religieux du climat qui considère les humains comme un cancer sur la terre, et j’accorderai éventuellement (peut-être) un peu de mérite à vos politiques.
Pour les intéressés, j’ai publié fin 2022 une courte série de deux essais en anglais sur l’exode tranquille que connaît le Québec depuis sa fondation. Un phénomène multi-factoriel qui, sans être unique à notre peuple, influence grandement notre histoire.
Voir le lien ci-dessous pour accéder aux publications.
Une nation édulcorée
Mon patriotisme a ses limites.
Lorsque les institutions, dont le mandat est de protéger et promouvoir les nobles aspirations de la nation, font le choix stratégique de se folkloriser, d’opérer sur un registre socio-politique révolu et provenant d’un autre siècle, c’est plutôt difficile de s’y rallier.
Les gestes symboliques découlant de simples motions parlementaires que vous votez en chambre simplement pour se donner bonne conscience ne modifient en rien le statut politique ou l’avenir socio-économique du Québec. Les simagrées de la fin 2022 entourant l’obligation ou non de prêter serment au roi pour siéger à l’Assemblée Nationale, portés par quelques élus, en est l’exemple flagrant.
Leur insignifiance politique crève les yeux mais vous préférez vous en réjouir.
Quel courage ! Enfin, des gens qui se tiennent debout ! (pathétique…)
Mon sentiment d’appartenance s’étiole quand je constate que la capacité de nos élites à lire le climat géopolitique contemporain est d’une faiblesse déconcertante. La pérennité du Canada et des États-Unis comme unités politiques stables et centralisés sur le long terme est loin d’être certaine.
Plusieurs états, régions et provinces sur le continent se questionnent (à divers degrés) sur la légitimité de leur gouvernement central. La polarisation grandissante aux États-Unis amène même certains à envisager un éventuel “divorce national”. Au minimum, la configuration politique de nos voisins du sud risque d’être fort différente d’ici quelques décennies avec des pressions énormes pour un transfert de pouvoirs vers les États.
Dans ce contexte, ne devriez-vous pas élargir votre horizon mental et politique pour préparer cette éventuelle recomposition en Amérique du Nord. Si vous pensez qu’il s’agit de science-fiction politique, je vous invite à lire mon essai de novembre 2021:
Dans un horizon beaucoup plus court, quand tant de jeunes (et moins jeunes) envisagent l’avenir de leur famille, de leur carrière à l’extérieur du Québec, il faut s’en inquiéter au quotidien. Savoir pourquoi autant de gens ont déjà quitté et d’autres planifient de le faire devraient constamment vous obséder.
Oui, il faut s’enorgueillir du fait qu’un peuple francophone ait survécu plus de quatre siècles en terre d’Amérique et il est tout à fait louable de souhaiter que cette aventure se poursuivre pour un autre demi-millénaire, pourquoi pas.
Mais est-ce que la seule façon d’y arriver est le repli, la contrainte, la survivance voire même l’excommunication sociale de ceux et celles qui souhaitent poursuivre des études supérieures dans une langue seconde par exemple ?
N’avons-nous pas appris de notre histoire ? Que reste-t-il d’ailleurs de notre relation avec la diaspora d’origine canadienne-française aux États-Unis, et ailleurs ? Rien. Absolument rien.
J’ai rarement vu un peuple se couper si rapidement des liens avec ceux et celles ayant décidés de poursuivre leur vie ailleurs.
Nous voilà donc en 2023, où l’élite politique québécoise ne s’affaire que dans la fierté folklorique à courte vue, en célébrant par exemple des performances d’athlètes ou d’artistes locaux sans offrir de vision long terme sur les fondamentaux de notre société: le défi démographique du siècle à venir, la sécurisation à long terme de nos sources d’énergie, l’aménagement de nos infrastructures pour l’économie de demain, notre positionnement dans l’échiquier politique nord-américain, et j’en passe.
À mon humble avis, une philosophie politique renouvelée du Québec devrait incorporer et embrasser davantage une forme d’Américanité. Pas au sens États-Uniens du terme mais plutôt au sens continental de celui-ci. Il faut cesser de s’isoler du reste du continent en faisant faussement semblant que nous sommes si différents. Après tout, les racines du peuple Canadien-Français, dans sa mouture d’origine, et de tout ceux et celles qui se sont greffés à ce peuple depuis, sont profondément ancrés dans ce territoire dont nos ancêtres ont exploré, nommé et transformé au fil des siècles.
Le Québec ne gagnera rien de tangible à mon sens avec son nationalisme motivé trop fréquemment par un ressentiment malsain. Un nationalisme dont plusieurs contemporains des années 80-90 regarderaient avec inquiétude à mon avis. Rappelons que les deux principaux leaders du 20e siècle qui ont tenté de positionner le Québec différemment sur l’échiquier géopolitique nord-américain (Lévesque et Parizeau) voyaient d’un bon oeil la maîtrise de la langue anglaise par les Québécois et ne se positionnaient aucunement comme des victimes.
Ma vision, sans doute naïve, serait de voir naître un Québec moins tourné vers la France comme symbole d’une mère-patrie qui ne souhaite plus de toute façon jouer ce rôle, pour se positionner dans le contexte nord-américain comme lui-même mère-patrie de la francophonie du continent.
En quelque sorte, ce processus de refondation amènerait le Québec à se reconnecter à nouveau avec la francophonie canadienne ainsi que l’importante diaspora aux États-Unis oubliée depuis trop longtemps, surtout depuis la recomposition de notre identité centrée uniquement sur le territoire québécois. Une erreur somme toute récente qui doit être corrigée.
Au final, le Québec pourrait très bien devenir le territoire, le pied à terre et la nation centrale d’une diaspora francophone et francophile en Amérique du Nord qui considère ce coin du continent comme leur “home base”. Tout en maintenant des liens forts et une relation saine avec nos voisins.
Cette vision pour le siècle à venir me paraît plus porteur d’espoir que de poursuivre nos politiques enfantines basés sur la peur, le repli et la simple survivance d’un peuple; un peuple qui semble voir l’isolement comme la seule façon d’exister.
J'ai quitté le Québec pour le Texas en 2022
Toujours aussi « On point » avec ton analyse Patrick.
Je ne crois pas que le Québec va réussir à se sortir la tête de l’eau. La province est sur un lent déclin, un fort repli sur sois et une incapacité à entendre des points de vue différents de la masse mèneront à une plus grande marginalization et radicalisation de la place.
Je suis moi même déménagé à Vancouver l’an dernier car je n’étais plus capable de plusieurs aspects du Québec, le pire étant son côté tribal. Pour un esprit libre comme moi j’étouffais à cet endroit là, l’ambiance était lourde et ca me rendait dépressif.
Peu de gens dans mon entourage comprenne les vrai raisons de mon départ, seuls ceux qui font actuellement des plans pour quitter comprenne que je suis rendu à Vancouver pour plus que les belles montagnes et la nature incroyable.
Pour la majorité des québécois ils vivent au meilleur endroit sur terre, tout est pareil partout et n’oseront jamais se comparer à ce qui se fait de mieux ailleurs, cela serait une trahison au model québécois si cher. Le plus loin qu’il iront avec des comparaisons ce sera avec des endroits où c’est pire en se disant qu’ils sont « don ben chanceux de vivre au Québec »
La province se vide ainsi lentement des éléments les plus productifs et de ceux qui contribuent à améliorer la société.
Mais l’important pour eux c’est de se dire « CONtinuons » avec fierté 🧢
Qui aurait fait mieux!! (Utilisé ici comme affirmation et non une question)